La comédie de Grenoble

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L’interview

Propos de Julien SIGALAS – Directeur et artiste de la comédie de Grenoble. Recueillis par Johan RIVOIRE le 17/10/23.

Peux tu me donner quatre mots qui définissent la comédie de Grenoble?

Humour. Convivialité. Rire. Théâtre.

Peux tu me donner quatre mots qui te définissent toi, par rapport à la comédie de
Grenoble?

Je suis directeur, artiste, programmateur et aussi concepteur.

Est ce que tu peux me faire un bref historique de la Comédie de Grenoble?

La Comédie de Grenoble a été créée précisément le 12 septembre 2014. On va fêter les dix ans l’année prochaine. Elle est née d’un projet avec mon associé de l’époque qui s’appelait Julie Krief, avec qui nous avions déjà un petit café-théâtre sur Aix-en-Provence qui tournait bien depuis 2011. On a voulu recréer l’esprit qu’on avait su insuffler à l’époque à Aix-en-Provence. Et on a cherché une autre ville pour recréer ça dans le Sud. Ça nous semblait totalement bouché à Marseille, Aix, Nice et on s’est dit « on va remonter à Lyon ». Il y avait déjà beaucoup de cafés- théâtres alors qu’à Grenoble, beaucoup moins. Il y avait évidemment beaucoup d’activités culturelles, mais on a trouvé qu’il n’y avait pas d’activité pour ce qu’on faisait, c’est-à-dire : de la comédie principalement. C’est comme ça qu’on a eu l’idée de venir à Grenoble. Ça s’est fait durant le printemps 2014 où on est venu visiter des locaux, visiter des appartements pour les
logements des différents artistes. Les travaux se sont faits durant l’été 2014 et la comédie a ouvert le 12 septembre 2014 et elle a assez rapidement trouvé un public et un certain succès.

La philosophie pour la programmation des spectacles d’impro ou de théâtre, ce serait plutôt
1/ Je préfère inviter des compagnies qui ont fait leurs preuves et que je connais. Je ne prends pas le risque de décevoir mon public.
2/ je n’hésite pas à faire venir des compagnies que je ne connais pas et tant pis si ça ne plaît pas à tout le monde.
3/ La vie est faite de compromis. Je vais faire un mélange des deux.

Alors, je dirais, il y a du un, il y a du deux, il y a du trois. En fait, il y a une forme de compromis parce que je n’hésite pas à prendre des gens que je connais. Mais à la fois travailler avec des nouveaux. Donc, on est un peu dans ce compromis-là. Par contre, pour moi, ce qui est important dans l’impro, je parle vraiment de l’impro, c’est de travailler avec des locaux. Quand on est sur le bassin grenoblois de manière générale, il y a quand même une réputation des compagnies et des artistes qui existe. Quand on nous dit « telle compagnie prend-les parce que vraiment ils sont bons ! ou telle compagnie tu devrais peut-être hésiter ». C’est plutôt comme ça que ça se passe. On travaille avec LATIAG depuis longtemps, qui est une compagnie grenobloise. Ça fait des années qu’on leur propose des créneaux une fois par mois environ via
Sandrine Anselmetti qui est aussi prof d’impro chez nous à la Comédie de Grenoble. Pour nous,
ce qui est important, c’est que ce soit des locaux avec un bon niveau en improvisation. Et à la fois, on est ouvert à pas mal de propositions de la part des compagnies grenobloises. On est prêt à tenter beaucoup de choses. On a tenté des choses avec la forme stand-up, on tente des choses avec la forme impro, on est assez ouverts.

Si demain tu avais un budget illimité pour améliorer la comédie de Grenoble, que ferais tu en premier ?

Déjà, je changerai de local et j’irais dans un 250 places. Encore mieux placé avec un parking devant pour que les gens puissent se garer. Et avec un restaurant partenaire juste à côté où les gens pourraient manger à n’importe quelle heure. Si je pouvais faire plein de choses, ce serait ça. Mais ce n’est pas forcément le concept. Parce que le côté « petit théâtre », c’est quelque chose qui plaît avec cette petite forme avec peu de décor, pas beaucoup de comédiens sur scène, deux, trois, quatre maximum en général. Donc voilà, c’est ça qu’on a développé, c’est ça qui plaît aussi. Il y a le charme du café-théâtre qu’on peut retrouver à Lyon, à Paris ou dans plein de grandes villes. Et il y a une certaine rigueur du théâtre de boulevard quand même. Même s’il y a peu de décors, il y a quand même des spectacles qui sont de qualité. Où on retrouve le classique du boulevard, avec souvent la femme, l’amant dans le placard, les rebondissements, les quiproquos, ce type d’humour. Donc voilà… Il y a plein de choses que
j’aimerais faire, mais je trouve aussi ça bien de rester sur cette petite forme.

Est ce que tu peux donner trois conseils à une compagnie d’improvisation programmées à la Comédie de Grenoble ?

Ça fait beaucoup, trois conseils ! Parce que moi, n’étant pas improvisateur, je ne donne pas de conseils artistiques. Déjà à ce niveau-là, je ne me permets pas d’intervenir, je ne gère pas dans le spectacle. Je ne vais pas dire, « faut faire ci » ou « faut faire ça », parce que je n’en fais pas. Les conseils, c’est de travailler évidemment, parce que c’est la base de tous les comédiens et les improvisateurs. Parce que souvent, les gens pensent… Par exemple, certains qui viennent dans les cours d’impro à la Comédie de Grenoble ou ailleurs, qu’ils vont venir et que ça va être plus facile parce qu’ils n’ont pas de texte. Non ! Il y a plein de codes à apprendre, il y a plein de techniques. Il faut connaître énormément ses partenaires. Ce sera le deuxième conseil : venir avec des partenaires avec lesquels on a l’habitude de jouer ou avec lesquels on a répété. Si on vient avec des gens qu’on ne connaît pas du tout dans l’impro, on ne sait pas du tout où ils vont aller, dans leurs improvisations respectives et on est très vite perdu. Alors que quand on est des
équipes assez soudées, les comédiens et les improvisateurs se connaissent et savent un peu plus où ils vont. Et le troisième conseil : il y a tout type d’improvisation, mais c’est d’aller vers de l’improvisation
plutôt humoristique et ludique. Parce que le public de la comédie, ça s’appelle « La comédie », vient pour se divertir et rire. Ne pas faire, entre guillemets, de l’impro « trop élaborée », ce n’est pas le bon mot, mais « trop prise de tête ». Et aller vers quelque chose de peut-être simple, drôle, avec des personnages hyper marqués et aller vers du comique simple et direct.

Est ce que tu peux donner trois conseils à un improvisateur ou à un comédien de théâtre classique qui souhaiterait se professionnaliser ?

Je ne vais pas être très loin de ce que tu m’as demandé avant, mais trois conseils, c’est le travail. Il faut travailler pour être comédien ou improvisateur. Dans les deux cas, c’est du travail. Après, il faut aller taper aux portes aussi. Et puis il faut faire des castings. Parce qu’il y a des castings régulièrement dans les théâtres. Alors que ce soit la Comédie de Grenoble ou ailleurs, il y a souvent des castings pour de nouveaux projets. C’est beaucoup plus facile quand on est déjà dans un projet, de sauter sur un autre projet et de basculer de projet en projet. Par contre, il faut se faire connaître et pour se faire connaître, il faut venir, il faut taper aux portes. Alors soit venir avec un projet qu’on a. S’il y a des comédiens grenoblois qui viennent à la Comédie de Grenoble et qui disent « Voilà, moi j’ai un projet qui correspond à la comédie », c’est-à-dire, c’est une comédie de boulevard ou c’est un spectacle jeune public. La comédie de Grenoble généralement est assez ouverte. C’est une porte d’entrée. Et puis la deuxième porte d’entrée, c’est si on n’a pas de projet personnel mais qu’on a déjà une base de comédien, c’est de venir à
des castings, montrer un peu ce qu’on sait faire sur des castings et évidemment d’être pris dans un projet, dans une pièce. Et après, une fois qu’on est dans une pièce, on peut soit monter ses propres projets, soit jouer dans d’autres projets. J’ai un exemple typique à la Comédie de Grenoble, c’est Tony Atlaoui qui lui-même était comédien, stand-upper sur Beauvais à côté de Paris et qui est venu s’installer à Grenoble. Il est venu à Grenoble. Il habite à 200 mètres de la Comédie de Grenoble. C’est quelqu’un qui sait
faire des choses, qui sait écrire des spectacles, qui a fait des spectacles, qui a repris des comédies, qui correspondait totalement à l’esprit de la Comédie de Grenoble. Donc du coup, on lui a ouvert les portes, il a marché, il a trouvé du public, il a créé des concepts comme « Le battle du rire ». On n’est pas dans l’impro, on est dans le stand-up. Mais voilà, il a créé un concept qui a réussi à trouver son public. Il a fait des spectacles, un one-man-show « Comment devenir un bon Grenoblois ». Quand on a quelque chose de solide et qu’on a envie de faire des choses, on arrive à trouver. On peut trouver sa place à la Comédie de Grenoble ou dans d’autres lieux. Je pense que ça marche. Tous les lieux marchent pareil. Mais pour ça, il ne faut pas venir les mains dans les poches en se disant « moi je suis génial, pourquoi vous ne me prenez pas ? » Non non ! il faut venir proposer quelque chose de solide.

Est ce que tu peux finir ces phrases brièvement ?

Une bonne soirée d’improvisation, c’est.

Un moment de partage où tout le monde s’est bien marré et où il y a vraiment eu une connexion entre le public et les improvisateurs. Parce que c’est important dans l’impro qu’il se passe quelque chose, que l’alchimie se passe entre le public et les improvisateurs.

Une mauvaise soirée d’improvisation, c’est.

Ce serait un peu l’inverse quand le courant n’est pas passé et qu’on a senti qu’il y avait un mur entre le public et les improvisateurs. La mauvaise soirée, c’est quand les improvisateurs ont joué pour eux et pas pour le public.

Un improvisateur, c’est.

C’est quelqu’un qui est vif d’esprit forcément, qui a la capacité de se sortir d’une situation complexe facilement avec, par exemple : une bonne idée, un personnage qui se fait avec très peu de choses, etc… Et qui arrive à faire passer quelque chose en très peu de temps.

La Comédie de Grenoble dans le monde de l’improvisation à Grenoble, c’est.

C’est une goutte d’eau dans un vase. Sincèrement, je pense pas que la comédie de Grenoble soit le lieu de référence des improvisateurs. Mais c’est aussi participer à un projet culturel d’ensemble. On n’est pas moteur de l’improvisation à Grenoble, mais on accueille des compagnies et on permet à ce petit microcosme de s’exprimer d’ailleurs on n’est pas les seuls. Et tant mieux qu’on ne soit pas les seuls. Mais en tout cas, on fait partie du groupe qui permet à tous ces improvisateurs de s’exprimer.

On va faire un petit jeu d’improvisation. Imagine que nous sommes en train de boire un café et que tu essayes de me convaincre de venir avec toi pour m’inscrire à un atelier d’improvisation. Moi, je n’ai jamais fait d’improvisation. Et toi, tu en fais déjà? Qu’est ce que tu me dirais ?

Je dirais : Écoute, franchement, tu as des problèmes à t’exprimer. Vraiment, je trouve que tu as un potentiel en toi qui n’est vraiment pas du tout exploité. Et pourtant, je sens une forme de timidité où il y a quelque chose qui te bloque à l’intérieur. Alors viens à La comédie de Grenoble, viens à un atelier, ça va débloquer certainement ce petit truc qui est à l’intérieur de toi, qui ne veut pas sortir. Et puis tu verras qu’une fois que tu seras sur scène, les choses vont sortir et ça va t’aider. Dans la vie de tous les jours, dans ton métier, dans tes relations sentimentales, dans tes relations personnelles, professionnelles. Bref, le fait de faire de l’improvisation, c’est quelque chose qui va t’ouvrir au monde. Tu ne le verras plus de la même façon.

Quel est ton meilleur souvenir à la Comédie de Grenoble ?

Ouh là, j’en ai énormément, mais je pense que je vais rester sur l’ouverture du 12 septembre 2014 C’était une pièce qu’on jouait à l’époque, on était un trio de comédiens, on avait fait le festival d’Avignon, on l’a jouée partout. On l’a jouée dans tous les lieux de France et du coup j’ouvrais la pièce. Donc c’était l’ouverture de la Comédie de Grenoble et j’étais seul sur scène. J’ai eu un petit stress. Une pièce que j’avais jouée à l’époque, je ne sais pas, trois ou 400 fois. J’ai eu un petit stress parce que c’était la première fois où j’allais ouvrir un lieu. C’est quand même un lieu de culture, un lieu qui finalement, ça fait dix ans qu’il voit chaque année 700 spectacles à peu près. Donc 40 000 spectateurs, même plus cette année je crois encore. Donc on touche 50 000 spectateurs quasiment par an. Donc ça veut dire qu’on va être le premier comédien, artiste à jouer dans un lieu comme ça, ça fait un petit pincement, donc ça a mis une
petite forme de pression. Ça reste quand même un très bon souvenir.

Quel est ton pire souvenir à la Comédie de Grenoble

Là aussi, il y en a quand même pas mal. Oui, j’ai un souvenir ! Une fois où j’étais sur scène et il y avait une personne qui était fortement alcoolisée dans le public et qui du coup vraiment gênait l’ensemble du public et c’était très dérangeant. Et j’avais dû, moi, intervenir en tant que comédien pour la faire sortir. Et ça, ça avait vraiment glacé l’ambiance. Ça, c’est un souvenir pas très cool. Mais franchement, il y a beaucoup plus de bons souvenirs que de mauvais souvenirs.

Est ce que tu peux me décrire la comédie de Grenoble dans cinq ans ?

Alors, j’espère qu’elle aura toujours autant de public. J’espère qu’elle gardera son esprit. Je ne
sais pas du tout si moi je serai encore dedans. Ça fait dix ans que je suis à la tête de la Comédie de Grenoble, donc ça fera dix ans l’année prochaine. Est-ce que je le serai encore dans cinq ans ? Franchement, je ne sais pas. La vie est faite de rebondissements et on est toujours sur de nouveaux projets. Puis parfois, il y a des anciens projets qui nous échappent un peu. J’ai parfois le sentiment que la Comédie de Grenoble, avec ma vie de comédien, a tendance à parfois m’échapper parce que je ne suis plus sur place et je n’habite plus à Grenoble. Du coup, comment gérer ? Parce que c’est un gros travail de gestion. Quand on voit tous ces comédiens, tous ces spectateurs, tous ces gens qui travaillent, il y a énormément de logistique. C’est très prenant, c’est très chronophage et peut-être qu’un jour je passerai le relais, mais j’espère que l’esprit sera sauvegardé.

Si tous les comédiens d’improvisation ou de théâtre lisaient cette interview, que souhaiterais tu leur dire ?

Ce serait leur dire de venir, en tout cas de venir essayer de travailler avec nous. Je ne dis pas
qu’on va travailler avec tout le monde, mais quand même. Dans l’idée, on a envie de travailler avec les meilleurs et si possible avec des locaux. Parce que vraiment, notre objectif maintenant, c’est de travailler avec les comédiens du bassin grenoblois. On s’est quand même rendu compte qu’il y avait du niveau. Je sais qu’à Paris, Marseille et Lyon, il y a beaucoup de niveaux aussi. Quand je suis arrivé à Grenoble, j’ai trouvé que c’était difficile de trouver des comédiens d’un certain niveau, il y a une dizaine d’années. Et je trouve que depuis dix ans, ça s’est fortement amélioré. Dans l’improvisation, n’étant pas vraiment un spécialiste, j’ai du mal à dire si ça s’est amélioré ou pas. Mais j’ai quand même l’impression qu’il y a de plus en plus de compagnies et de plus en plus d’ateliers d’impro. Il y a vraiment une effervescence ! Aussi dans les spectacles jeune public, je trouve aussi qu’il y a une effervescence, que les gens font de
plus en plus de spectacles. Quand on est arrivé, les spectacles que les comédiens venaient nous proposer à la Comédie de Grenoble n’étaient pas forcément tous aboutis. Là, maintenant, je pense que l’ensemble des comédiens, des nouveaux qui arrivent, ont compris qu’il fallait vraiment, justement, bosser, travailler, affiner, et ça a fait monter le niveau, forcément. Et donc du coup, l’avenir est plutôt rose, je pense. Parce que si le niveau des comédiens, des artistes et des spectacles est bon, les spectateurs sont dans la salle.

Merci Julien,